Engagement des parties prenantes et gestion adaptative

Selon l’expert Erich Hoyt, les éléments clés pour une observation des baleines à la fois durable et de haute qualité partout dans le monde sont : « 1) une bonne gestion financière à long terme, 2) des contributions et des résultats scientifiques, 3) une attention portée à la conservation, 4) un investissement dans les personnes (habitants locaux et visiteurs) avec un bon service à la clientèle et de bonnes relations avec les communautés locales, 5) des contributions et des résultats éducatifs, 6) de meilleurs avantages et bénéfices, et 7) une réduction des coûts. Les bénéfices et les coûts (y compris les aspects sociaux, écologiques et financiers) peuvent être évalués à l’aide d’une analyse coûts-bénéfices »1. 

Le meilleur moyen pour le développement d’un secteur d’activité qui inclut tous ces éléments est une approche collaborative qui implique toutes les parties prenantes concernées, et qui prévoit régulièrement un examen et une évaluation pour déterminer si les mesures de gestion doivent être adaptées en réponse à des changements du niveau de pression sur les populations cibles de cétacés ou des changements du comportement, de la répartition ou des effectifs des animaux.

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Identifier les parties prenantes et leurs rôles potentiels

Dans un premier temps, il est utile de faire le point sur les parties prenantes impliquées dans une zone particulière. Le tableau ci-dessous résume les acteurs pouvant être concernés (d’après Hoyt, E. A blueprint for dolphin and whale watching development. Humane Society International, 32 (2007)1)

 

Catégorie de parties prenantes

Exemples de parties prenantes

Rôles éventuels dans le développement et la gestion de l’observation des baleines

Tour-opérateurs à petite échelle

Il peut s’agir de pêcheurs qui, à temps partiel, emmènent des touristes, d’opérateurs de plongée, d’opérateurs de pêche sportive, ou de biologistes marins. Ce sont généralement des entreprises employant 5 personnes ou moins (à temps partiel ou à temps plein), utilisant des embarcations de petite taille (p. ex. 20 passagers au maximum).

Proposer des excursions ; promouvoir les excursions ; participer à des ateliers de formation et de renforcement des capacités ; collaborer avec des chercheurs en les accueillant à bord et/ou en fournissant des données d’observation et des photos ; contribuer aux activités des communautés locales en employant du personnel local et en faisant appel aux entreprises locales de services.

Tour-opérateurs de taille moyenne

Flottes d’observation des baleines, compagnie d’excursions maritimes ou compagnies d’affrètement de yachts – employant habituellement 5 personnes ou plus (à temps partiel et à temps plein) et utilisant des navires de différentes tailles, allant des zodiacs aux navires spécialisés.

Proposer des excursions ; promouvoir les excursions ; participer à des ateliers de formation et de renforcement des capacités ; collaborer avec des chercheurs en les accueillant à bord et/ou en fournissant des données d’observation et des photos ; contribuer aux activités des communautés locales en employant du personnel local et en faisant appel aux entreprises locales de services.

Grandes compagnies et multinationales

Compagnies de croisières proposant des séjours de croisières (live-aboard) qui peuvent comprendre l’observation des baleines (p. ex. en Alaska, dans les Caraïbes ou en Antarctique).

Proposer des excursions ; promouvoir les excursions ; collaborer avec des tour-opérateurs de petite et moyenne tailles pour permettre aux entreprises locales de bénéficier du tourisme développé dans la région ; collaborer avec des chercheurs en les accueillant à bord et/ou en fournissant des données d’observation et des photos.

Entreprises de services

Hôtels et hébergements où séjournent les clients des activités d’observation des baleines ; restaurants et snacks à proximité des points d’embarquement ; services de transport vers et depuis le lieu d’observation (par ex. ferries, compagnies charter) ; fournisseurs de services d’entretien de bateaux ; boutiques de souvenirs et artisans fournissant ces boutiques ; etc.

Fournir l’hébergement, la nourriture et les services aux touristes et aux opérateurs d’activités d’observation des baleines ; et faire bénéficier les communautés locales des activités supplémentaires générées par l’observation des baleines ; sensibiliser les parties prenantes aux cétacés et à leurs besoins en matière de conservation en faisant la promotion des produits liés à ces espèces auprès des habitants et des visiteurs.

Organismes gouvernementaux

Autorités des parcs marins ; offices de tourisme et de développement économique ; gouvernements des États, locaux ou provinciaux ; ministères nationaux du tourisme/des ressources naturelles/de l’environnement.

Collaborer avec d’autres parties prenantes pour élaborer une stratégie de gestion ; s’assurer que les stratégies ont un soutien juridique nécessaire pour être efficaces ; travailler avec les organismes chargés de l’application des lois et d’autres parties prenantes pour assurer une surveillance et une collaboration efficaces.

Organismes chargés de l’application des lois

Gardes de parc ; garde-côtes ; marine ; police maritime.

Patrouiller dans les zones où se déroule l’observation des baleines pour s’assurer du respect des réglementations visant à protéger les touristes et les cétacés.

Résidents locaux ou régionaux/groupes de parties prenantes

Groupes d’acteurs locaux résidents, ONG/associations/organismes caritatifs nationaux ou internationaux de conservation (baleines et dauphins) ; associations de tour-opérateurs ; clubs de plongée, etc.

Représenter les intérêts des communautés locales et de l’environnement, ainsi que des cétacés, afin de s’assurer que les activités d’observation des baleines n’ont pas d’incidences négatives sur les communautés et les ressources naturelles locales.

Chercheurs en sciences naturelles

Biologistes spécialistes de la faune sauvage ; écologues ; océanographes ; peuvent être associés à des institutions telles que des universités ou des ONG.

Dans les premières phases de développement, les chercheurs peuvent aider à mener des études de référence sur les populations de cétacés ciblées ainsi qu’une évaluation de l’impact environnemental des activités d’observation des baleines. Une fois que les activités sont établies, ils peuvent aider le gouvernement local et les autres parties prenantes à surveiller de manière continue l’impact potentiel sur les populations cibles de cétacés.

Chercheurs en sciences sociales

Économistes et chercheurs en sciences sociales qui étudient le tourisme et les communautés. Peuvent être associés à des institutions telles que des universités ou des ONG.

Dans les premières phases de développement des activités, les chercheurs peuvent aider à mener des études de marché de référence sur la demande et le marché potentiel de l’observation des baleines. Une fois le secteur établi, ils peuvent aider le gouvernement local et les autres parties prenantes à surveiller de manière continue le secteur de l’observation des baleines afin d’en mesurer les développements socio-économiques et les tendances. Ils peuvent également contribuer à l’élaboration de matériel éducatif et de brochures.

 

Erich Hoyt et beaucoup d’autres encouragent fortement la participation de toutes ces parties prenantes (ou au moins des représentants de chacune de ces catégories) dans tous les aspects de la planification et de la gestion du secteur de l’observation des baleines qui sont présentés dans un plan en 14 étapes dans le Blueprint for Dolphin and Whale and Watching Development1. Cette approche de collaboration multipartite a également été approuvée lors de plusieurs ateliers, y compris ceux organisés par la CBI en 20102 et en 20133. La collaboration peut être encouragée et structurée par des réunions régulières (p. ex. au début et/ou à la fin de chaque saison d’observation de baleines ou chaque haute saison touristique), des ateliers de renforcement des capacités ou des événements spéciaux comme des festivals sur les cétacés1.

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Gestion adaptative

En plus de participer à la conception initiale et au développement du tourisme d’observation des baleines, toutes ces parties prenantes ont un rôle à jouer dans la gestion adaptative du secteur au cours du temps. La gestion adaptative est essentielle pour prendre en compte les changements de l’environnement, du nombre de touristes, du comportement des opérateurs ou de la population cible de cétacés4-7. Un concept qui peut être utile dans ce processus est l’établissement des limites du changement acceptable7, dans lequel les parties prenantes décident collectivement de limites mesurables à partir desquelles un changement de la réglementation ou des stratégies de gestion est nécessaire. Ces limites peuvent être établies pour des paramètres biologiques (telles que le déclin de la population, l’évolution de la répartition des animaux, les incidences notables sur la santé, etc.), ou des facteurs socio-économiques (telles que le dépassement du seuil annuel du nombre de visiteurs, la fréquence des infractions aux codes de conduite de l’observation des baleines). Le tableau ci-dessous résume certains des coûts et des impacts ou des changements potentiels qui pourraient alerter sur la nécessité d’adapter le régime de gestion en vigueur, ainsi que les mesures qui pourraient être prises pour atténuer ces coûts (voir aussi la section sur les outils de gestion pour une description plus détaillée de la façon dont ces travaux et les études de cas illustrent l’utilisation de différents outils). 

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Coûts potentiels de l’observation des baleines pouvant nécessiter une gestion adaptative 

(d’après Hoyt, E. A blueprint for dolphin and whale watching development. Humane Society International, 32 (2007)1)

Catégorie de coûts       

Exemples

Mesures à prendre pour réduire les coûts      

Environnementaux       

P. ex. la pollution de l’eau et de l’air due à l’augmentation du trafic routier, aérien ou maritime ; l’augmentation de la quantité de déchets résultant d’une présence humaine accrue dans la communauté ciblée.

S’assurer que les opérateurs respectent les meilleures pratiques environnementales en matière d’entretien des moteurs, d’élimination des déchets, de recyclage, etc.

Biologiques

P. ex. les effets cumulatifs de la perturbation répétée des fonctions biologiques essentielles des animaux ciblés, telles que le repos, l’alimentation et la socialisation. Ils peuvent être difficiles à mesurer et requièrent l’expertise de chercheurs. Les gestionnaires peuvent décider d’appliquer le principe de précaution s’ils soupçonnent qu’une limite de changement acceptable est atteinte, plutôt que d’attendre une preuve mesurable de la diminution de la population ou des impacts significatifs sur les comportements et les bilans énergétiques.

  • Établir les limites du changement acceptable pour la zone cible et définir comment celles-ci seront mesurées ou définies : p. ex. le nombre de navires/circuits par jour entraînant un risque d’impact négatif sur la population.
  • Limiter le nombre de licences de navires et le réviser régulièrement en fonction des pressions observées.
  • Établir des lignes directrices sur l’approche des cétacés pour limiter la distance, la vitesse et le nombre de navires pouvant s’approcher d’un même groupe d’animaux.
  • Créer des aires protégées ou mettre en place des fermetures spatiales et temporelles pour empêcher les interactions avec les animaux dans des habitats essentiels et/ou définir des zones où des mesures de gestion plus strictes peuvent être appliquées.
  • Mettre en place un système de surveillance et de contrôle efficace du respect des réglementations.
  • Organiser des ateliers de formation et de renforcement des capacités pour les opérateurs.

Sociaux

Les communautés locales peuvent commencer à se sentir « envahies » par les touristes, en particulier si le tourisme entre en conflit avec la pêche locale ou d’autres activités marines, ou exerce une pression sur les services communautaires conçus initialement pour les résidents locaux seulement.

 

Les opérateurs d’observation des baleines commencent à se livrer à la concurrence ou à une confrontation, ou entrent en conflit avec d’autres utilisateurs du milieu marin.

  • Établir les limites du changement acceptable d’un point de vue social et gérer activement   la croissance, de sorte qu’elle n’ait pas d’incidences négatives sur les communautés locales ou leurs infrastructures.
  • Inclure les résidents/acteurs locaux dans les examens annuels/semestriels du secteur d’activité et de ses impacts.
  • S’assurer que suffisamment de ressources sont allouées aux services destinés aux résidents locaux.
  • Trouver des moyens   d’impliquer les communautés locales dans les activités de conservation.
  • S’assurer que toutes les parties prenantes ont une voix égale et peuvent être entendues, et que les conflits sont réduits.

Économiques

Bien que le tourisme d’observation des baleines puisse générer des revenus pour les communautés locales, il entraîne également des coûts, tels que la création d’infrastructures supplémentaires (routes, cliniques, hôtels, ports, etc.) pour répondre aux besoins du secteur d’activité et à l’afflux de visiteurs. Cela peut entrer en conflit avec la pêche et exiger des investissements accrus dans l’administration et la gestion (p. ex. la surveillance et le contrôle du respect des   réglementations).

Veiller à ce qu’une partie des recettes de l’observation des baleines soit réservée aux investissements dans les infrastructures publiques (p. ex., taxes sur le tourisme) et à la surveillance et au contrôle du respect des réglementations.

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Le tableau ci-dessus peut servir de guide très simple pour effectuer régulièrement des analyses coûts-bénéfices. La fréquence des examens peut varier d’une fois par an à une fois tous les cinq ans, en fonction de la rapidité avec laquelle le secteur d’activité se développe dans un domaine donné et de la précision de son suivi7. Des modèles plus détaillés pour effectuer ces types d’analyses et les examens de la gestion adaptative sont disponibles dans des articles de qualité sur la gestion de l’observation des baleines publiés par Higham et al. 20095 et Lundquist 20147

Erich Hoyt a également proposé le concept de Sustainability Report Card que les parties prenantes peuvent utiliser pour examiner régulièrement et évaluer leurs activités d’observation des baleines et apporter les ajustements nécessaires si elles obtiennent un score défavorable, comme cela est résumé dans le tableau ci-dessous.1,8:

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Sustainability report card

(d’après Hoyt, E. A blueprint for dolphin and whale watching development. Humane Society International, 32 (2007)1

La ressource en espèces sauvages est-elle dégradée ou en voie de dégradation ?

  • La croissance de la population (nombre de naissances - nombre de décès) est-elle stable ou positive ?
  • Les animaux quittent-ils la zone ?
  • Les animaux sont-ils approchés ou observés de près, ce qui les amène à changer de comportement, même de manière peu perceptible ?
  • Les animaux présentent-ils des signes de maladies ou des blessures pouvant être liés aux activités d’observation ou au stress ?

L’environnement global est-il dégradé ?

  • L’eau est-elle visiblement polluée ? Le taux de contaminants a-t-il été testé ?
  • La gestion des déchets des installations côtières et des navires de tourisme est-elle suffisante pour empêcher la pollution ?

Profil du tourisme/du secteur d’activité

  • Les visiteurs sont-ils locaux, nationaux ou internationaux ?
  • Les touristes expriment-ils le souhait d’aider à protéger et à conserver les cétacés ?
  • Le nombre de touristes (et par conséquent le nombre d’excursions sur l’eau auprès des animaux) augmente-t-il, diminue-t-il ou reste-t-il stable ?

Profil des opérateurs

  • Ont-ils des connaissances sur les mammifères marins, l’environnement et la culture locale ?
  • Sont-ils aimables et bons enseignants ?
  • Ont-ils le sens des responsabilités envers les activités des visiteurs dont ils s’occupent ?
  • Leurs pratiques commerciales sont-elles compatibles avec le tourisme durable ?
  • L’observation de la faune sauvage bénéficie-t-elle à la communauté ?

Les études de cas présentées sur ce site Web fournissant des modèles d’implication des parties prenantes sont celles de la République dominicaine, la Patagonie (Argentine), le Whale Trail (côte pacifique des États-Unis et du Canada) et la baie de Loreto (Mexique). Les études de cas mettant en évidence la gestion adaptative sont notamment celles de Kaikoura (Nouvelle-Zélande), de Patagonie (Argentine) et du récif de Samadai (Égypte). L’étude de cas de Praia do Forte (Brésil) présente un exemple concret de la façon dont une aire protégée peut chercher à déterminer la capacité de charge d’un site d’observation des baleines.

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Références

Afficher / Masquer les références
  1. Hoyt, E. A blueprint for dolphin and whale watching development. Humane Society International, 32 (2007).
  2. IWC. Report of the International Whaling Commission Workshop on Whale Watching. 1-27 (International Whaling Commission, Patagonia, 2010).
  3. IWC. Report of the International Whaling Commission Whale Watch Operators Workshop. 1-20 (International Whaling Commission, Brisbane, 2013).
  4. Higham, J., Bejder, L. & Williams, R. Whale-watching: Sustainable tourism and ecological management.  (Cambridge University Press, 2014).
  5. Higham, J. E. S., Bejder, L. & Lusseau, D. An integrated and adaptive management model to address the long-term sustainability of tourist interactions with cetaceans. Environmental Conservation 35, 294-302, doi:10.1017/S0376892908005249 (2009).
  6. Allen, S., Smith, H., Waples, K. & Harcourt, R. The voluntary code of conduct for dolphin watching in Port Stephens, Australia: is self-regulation an effective management tool? Journal of Cetacean Research and Management 9, 159-166 (2007).
  7. Lundquist, D. in Whale-watching: Sustainable Tourism and Ecological Management   (eds J. E. S. Higham, L. Bejder, & R. Williams) Ch. 23, 337-351 (Cambridge University Press, 2014).
  8. Hoyt, E. Sustainable ecotourism on Atlantic islands, with special reference to whale watching, marine protected areas and sanctuaries for cetaceans. Biology and Environment: Proceedings of the Royal Irish Academy 105B, 141-154 (2005).
  9. Fernandes, L. and M.R. Rossi-Santos, An Integrated Framework to Assess the Carrying Capacity of Humpback Whale-Watching Tourism in Praia do Forte, Northeastern Brazil, in Advances in Marine Vertebrate Research in Latin America: Technological Innovation and Conservation, M.R. Rossi-Santos and C.W. Finkl, Editors. 2018, Springer International Publishing: Cham. p. 41-73.
  10. Forestell, P. (2008) Protecting the ocean by regulating whale watching: The sound of one hand clapping. In Higham, J. and Lück, M. (Eds) Marine Wildlife and Tourism Management. CABI, Oxfordshire, UK. pp. 272-293)

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